« L’âme du château », Printemps du Dessin, château de Fougères-sur-Bièvre / CMN, 7 mai – 30 septembre 2025

Les œuvres de cette exposition sont des photographies et dessins naturalistes, permettant d’identifier des espèces sauvages, le sexe des individus, d’apprendre des informations sur leurs régimes alimentaires ou cycles de reproduction ; mais aussi de comprendre les fonctionnements fragiles de la biodiversité à travers des mises en images de prédations ou de collaborations interspécifiques.

Ce sont aussi des œuvres d’art, puisque les images sont travaillées avec esthétique et poésie, jouant avec les techniques, les couleurs, les contrastes mat/brillant, et enfin la symétrie.

Ces mises en images me permettent de transformer des espèces sauvages en symboles de la Nature vivante du château de Fougères-sur Bièvre.Les espèces ont été choisies parce qu’elles fréquentent le château, son parc ou ses alentours.

Opus 1, 07 mai – 03 juillet 2025

Les oeuvres de la chapelle : dessins de pics noirs

Le pic noir (Dryocopus martius) est présent sur le site du château, je l’y ai entendu et vu à plusieurs reprises en 2025. L’espèce est représentée à travers sept dessins :

De haut en bas et de gauche à droite :

PicNoiRioNciP 1 (Noyer), crayons de couleurs sur papier noir, 29,7 x 42 cm, 2025. Sur ce dessin, j’ai représenté un pic noir mâle en symétrie, entouré par des branches de noyer. A l’Automne dernier, j’ai pu observer à plusieurs reprises l’un des individus vivant près de chez moi, dans la Haute Loire, venir sur le noyer proche de mon chalet.

Tomicus piniperda et œuf de pic noir, gouache et crayons sur papier, 29,7 x 42 cm, 2025. Sur ce dessin, le motif représente les galeries creusées dans les arbres par les larves d’un coléoptère dont les pics noirs sont friands : Tomicus piniperda. Avec l’oeuf, l’oeuvre met en images les relations entre la vie du pic noir et celles des coléoptères dont il se nourrit. 

PicNoiRioNciP 2 (racines de pin), crayons de couleurs sur papier noir, 29,7 x 42 cm, 2025. Ce dessin met en valeur l’attrait des pics noirs pour les forêts présentant des résineux. La calotte entièrement rouge indique que l’individu est un mâle.

PicNoiRioNciP 4 (coléoptères), crayons de couleurs sur papier noir, 29,7 x 42 cm, 2025. Sur ce dessin, le motif rouge représente les galeries creusées dans les arbres par les larves d’un coléoptère dont les pics noirs sont friands : Ips typographus.

PicNoiRioNciP 3 (coléoptères), crayons de couleurs sur papier noir, 29,7 x 42 cm, 2025. Sur ce dessin, le motif rouge représente les galeries creusées dans les arbres par les larves d’un coléoptère dont les pics noirs sont friands : Tomicus piniperda.

Dame de pic noir (hêtre), crayons de couleurs sur papier noir, 70 x 50 cm, 2025. Cette œuvre représente une femelle, reconnaissable à sa calotte rouge posée derrière le front noir. Elle est représentée avec un bourgeon de hêtre sortant de son bec, comme une matérialisation de son chant. Dans toute la littérature scientifique, le hêtre apparaît comme l’arbre préféré de l’espèce. L’œuvre, construite comme une carte à jouer, débute un projet de tarot des oiseaux dédié à l’ornithomancie.

Ips typographus et crâne de pic noir, gouache et crayons sur papier, 29,7 x 42 cm, 2025. L’oeuvre met en images les relations entre la vie du pic noir et celles des coléoptères dont il se nourrit : si les insectes dont se nourrissent les pics noirs disparaissaient, l’espèce en ferait de même.

Les oeuvres de la Salle Basse : étendards de pics noirs et digigraphie de grand-duc

Deux étendards à l’effigie du pic noir ont été installés entre les fenêtres de la salle.

Étendard de pic noir mâle : gouache sur papier, bois, clous, 2 x 1 m, 2025. L’oeuvre reprend six des sept dessins de la chapelle, dans une composition renvoyant à l’iconographie médiévale.

Étendard Dame de pic noir : gouache sur papier, bois, clous, 2 x 1 m, 2025. L’oeuvre représente plusieurs figures de la femelle de pic noir. La figure centrale est construite comme celles des cartes à jouer, elle est agrémentées de postures de vol et de racines de hêtre.

Grand-duc royal : gouache sur digigraphie, 80 x 80 cm, 2024. Exemplaire 1/30. L’oeuvre multiple invite à monter dans la Salle Haute où sont exposées quatre portraits de grands ducs d’Europe.

En 2024, j’ai réalisé le portrait d’un oiseau captif photographié en Camargue sept ans plus tôt. L’œuvre faisait partie de l’exposition Peuple sauvage 4 qui s’est tenue chez Rurart d’avril à juillet. Durant le vernissage, j’ai rencontré Alexandre Thévenin, fauconnier habilité à prendre soins de quatre hiboux grands-ducs, dont Gibral, internationalement connu pour avoir tourné dans les films Harry Potter. J’ai été heureux d’entendre son commentaire de spécialiste : « d’abord on voit que c’est une femelle parce que ses yeux sont rouge-orangés, on voit aussi qu’elle était en mue, grâce aux traces roses sur les paupières. En fait,  je la reconnais. »

C’était à la fois une surprise et un bonheur d’apprendre que j’avais réussi à faire un vrai portrait d’oiseau.

Ce travail avait pour but de rappeler que comme tous les animaux (humains inclus), chaque grand-duc est un individu, avec ses propres caractéristiques physiques et mentales, mais aussi, par extension, ses propres mœurs, sa propre écologie et enfin, sa propre culture.

Je crains en effet que ces oiseaux comme d’autres animaux sauvages ou domestiques, soient sujets au spécisme. À ne pas être capables de reconnaitre leurs individualités, on oublie de leur accorder toute la richesse que génèrent leurs altérités.

On sait les finalités du reniement des cultures sauvages chez les humains, et les ravages qu’il a causé des siècles durant – et cause encore – chez les peuples premiers des Amériques, de l’Afrique, de l’Asie et de l’Océanie. Je crois que les animaux sauvages ont subi le même sort par les mêmes biais. Pour avoir envie de les protéger, il faut déjà les reconnaître par leur espèce, ensuite en tant qu’individus. Alors, nous pourrons converser calmement avec eux pour qu’il nous rappellent leurs solutions à nos problèmes oubliés.

Le portrait a été reproduit en digigraphie et rehaussé d’une auréole de plumes peintes à la gouache dorée.

Les oeuvres de la Salle Haute : portraits de hiboux grands-ducs

Si le grand-duc d’Europe (Bubo bubo) réinvestit la région Centre depuis quelques décennies, l’espèce est encore considérée comme rare dans le département du Loir-et-Cher. Sa présence dans le château est une invitation lancée au hibou pour qu’il vienne s’installer dans le coin !

Les trois hiboux représentés dans cette série appartiennent à la plus grande espèce de rapace nocturne du monde : le Grand-duc d’Europe. Comme d’autres animaux de nuit, les grands-ducs ont développé des aptitudes spécifiques afin de pouvoir chasser dans la pénombre : ils ne font aucun bruit lorsqu’ils volent, grâce à la nature particulière de leurs plumes ; ils sont aussi nyctalopes – ce qui signifie qu’ils peuvent voir dans le noir.

Pourquoi représenter des Cœurs de nyctalopes à partir de photographies de hiboux grands-ducs ? Parce qu’en ces temps obscurs, il faut apprendre à scruter le côté sombre de nos humanités pour identifier les proies à abattre en priorité. Celles qui, une fois dévorées, rééquilibreront les systèmes de nos sentiments. Pour chasser les haines qui envahissent actuellement l’air et les corps, observe le cœur toutes les personnes qui croiseront tes vols nocturnes, approche furtivement, frappe en silence.

Avec beaucoup de volonté et un peu de chance, ça nous évitera à tous.tes les catastrophes sociales et écologiques qui pointent à l’horizon.

De gauche à droite :

Cœur de nyctalope (Gibral), photographie tirée en digigraphie, rehaussée de gouache dorée, 80 x 50 cm, encadrement sans verre, 2024. Exemplaire 1/10. Gibral est un oiseau connu, puisqu’il a joué à plusieurs reprises dans la série de films Harry Potter. C’est un mâle d’une trentaine d’années.

Cœur de nyctalope (Neige), photographie tirée en digigraphie, rehaussée de gouache, 100 x 100 cm, encadrement sans verre, 2024. exemplaire 1/10. Neige est un jeune mâle de sous-espèce Sibérienne, ce qui explique la clarté de son plumage. Sur cette image, les motifs dorés sont la reprise d’une modélisation du rayonnement d’Hawking, caractérisant les trous noirs de l’espace.

Cœur de nyctalope (Hiboute), photographie tirée en digigraphie, rehaussée de gouache dorée, 80 x 50 cm, encadrement sans verre, 2024. exemplaire 1/10. Hiboute est une femelle d’environ 15 ans.

Étendard de grand duc (Neige) : gouache sur digigraphie, bois, clous, 2 x 1m, 2025. Exemplaire 1/30.

Avec cette série, il est possible de montrer les différences entre les trois individus pour les reconnaître les uns des autres, comme on le fait naturellement avec des personnes humaines

Les oeuvres ont été intégrées au parcours de l’exposition Natures sauvages 3, en cours jusqu’en septembre 2028.

Merci aux équipes du chateau, en particulier à Karine Bredin et Christine Morin, qui m’ont aidé à la scénographie et à l’accrochage de cette âme sauvage !

Pour en savoir plus :

Site du château : https://www.fougeres-sur-bievre.fr/agenda/printemps-du-dessin-2025

Site Printemps du Dessin : https://www.printempsdudessin.com/chateau-de-fougeres-sur-bievre-2/

TV / France 3 Centre Val-de-Loire, émission « En plein Centre » : https://www.france.tv/france-3/centre-val-de-loire/en-plein-centre/7173590-emission-du-mercredi-28-mai-2025.html

Au sujet du pic noir :

Fiche descriptive, Oiseaux.net : https://www.oiseaux.net/oiseaux/pic.noir.html

« Le pic noir et les insectes, un régime peu varié », Revue INSECTES : https://www.insectes.xyz/pdf/i84cuisin.pdf

« Le pic noir : l’ingénieur incontournable qui façonne et protège la forêt », La relève et la peste : https://lareleveetlapeste.fr/le-pic-noir-lingenieur-incontournable-qui-faconne-et-protege-nos-forets

« L’activité du pic noir en forêt », Michel Cuisin :https://hal.science/hal-03390021/document

Au sujet du grand-duc d’Europe :

https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/3493 sur la carte de répartition de l’espèce, on peut voir que le hibou grand duc est très proche de Fougères sur Bièvre (présent sur Cours-Cheverny).

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